L’agriculture belge après la crise du Covid-19

19
Mai

L’agriculture belge après la crise du Covid-19

Réfléchir l’agriculture pour l’après crise du Covid-19  

La crise du Covid 19 nous amène à nous poser de nombreuses questions sur l’approvisionnement alimentaire. Nous prenons conscience de la provenance de nos matières premières et de nos aliments. La hausse des prix des intrants (fournitures pour agriculteurs), les risques de pénuries, les difficultés à l’exportation, nous amènent à vouloir repenser le système agricole pour apprendre de cette crise et prévenir celles à venir. 

Philippe Baret, Professeur Ordinaire à l’UCL et membre du conseil fédéral de Biosécurité a été interviewé par Jonathan Piron pour Etopia, nous en avons retiré matière à réflexion.  

Hausse du prix des matières premières et difficulté d’écouler les stocks

S’il est difficile d’avoir une vue d’ensemble sur l’approvisionnement alimentaire belge puisqu’il est largement privatisé, Philippe Baret explique que les risques de pénuries liés à la crise du Covid sont plus élevés à long terme qu’ils ne l’étaient à court terme. 

Les deux problèmes auxquels vont être confrontés les agriculteurs wallons sont la hausse des prix des intrants  et la difficulté à exporter. Déjà, on constate une augmentation des prix, par exemple, sur le marché du soja qui alimente le bétail. De plus, l’exportation est devenue difficile vers certains pays et nos cultivateurs n’arrivent plus à écouler lait et pommes de terre. 

La vulnérabilité d’une exploitation agricole va dépendre, en grande partie, de la périssabilité de ses produits et de leur saisonnalité.   

Relocaliser notre agriculture pour devenir plus résilient

Cette pandémie nous amène à prendre conscience de notre dépendance aux pays tiers. C’est la mondialisation de l’agriculture datant du 19e siècle qui pose problème aujourd’hui.  

Pour revenir à un système moins dépendant, il nous faut, par exemple, mettre en place des structures permettant de produire localement les aliments nécessaires au bétail. En relocalisant la production, on diminue également les besoins en transport et donc l’impact environnemental.

Toutefois, tous les produits ne sont pas relocalisables : riz, café, thé, oranges ou citrons continueront à arriver chez nous via des chaînes mondiales. Le but n’est pas de mettre fin à tout le système mais de faire la part des choses entre une mondialisation utile et une mondialisation spéculative inutile, voire dangereuse. 

L’Europe a une belle carte à jouer

L’idée simpliste qu’il faut se nourrir soi-même dans son coin risque de mener à un repli identitaire contre-productif. Pour Philippe Baret, l’Europe a une carte forte à jouer pour éviter cela. 

La cohérence des agricultures européennes existe déjà. L’agriculture européenne a comme caractéristique de se baser essentiellement sur des exploitations familiales aux échelles raisonnables. Celles-ci ont comme points communs de porter attention à la qualité des produits ainsi qu’aux conditions environnementales et sociales. 

Regardons les atouts de l’agriculture wallonne pour nous nourrir et nourrir les pays voisins, puis réfléchissons à une logique d’échange équilibrée et équitables à l’échelle européenne.

Quelles productions agricoles prioritaires pour la Belgique ?

En Belgique, explique Philippe Baret, il faut différencier l’agriculture flamande qui est plus intensive et plus orientée à l’exportation grâce à ses zones portuaires, et l’agriculture wallonne ancrée sur son territoire et plus en harmonie avec lui. En Wallonie, comme en Flandre, les agriculteurs sont techniquement très compétents. 

Chez nous, la Hesbaye, le Hainaut et une partie du Condroz sont de bonnes terres céréalières, une agriculture essentielle pour directement nourrir les villes et habitants de nos régions mais aussi de bons candidats à l’exportation.

Repenser les filières

Relocaliser et produire local implique aussi de veiller à ce que toute la filière de transformation se trouve sur place. Par exemple, pour produire du pain wallon, il faut des moulins; pour produire du fromage wallon, il faut des fromageries. Philippe Baret invite à mettre en place des filières complètes pour inciter les agriculteurs à y adhérer. Pour ce faire, des alliances entre le tissu économique, les PME et les agriculteurs sont indispensables. 

Travailler en circuit court, ne doit pas forcément réduire la chaîne et faire peser toute la tension de celle-ci entre l’agriculteur et le consommateur. Pour Philippe Baret, si on veut être bon au niveau environnemental, sociétal et économique, il faut être efficace à tous les niveaux. Il est donc important de distribuer de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne depuis l’agriculteur jusqu’au consommateur en passant par les transformateurs et distributeurs. 

Dialogue et transparence

Philippe Baret insiste sur l’importance à ne pas venir, après la crise du Covid, avec des mesures simplistes visant à tout changer ou à tout faire comme avant. Ce serait, pour lui, irrespectueux du monde agricole. 

Comme il le rappelle, les agriculteurs demandent avant tout de la dignité et du respect. Il est donc important de ne pas vouloir aller trop vite. De tirer d’abord un bilan de cette crise qui identifiera ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas marché. Ensuite, il sera important d’entamer, en toute transparence, un dialogue constructif avec les agriculteurs. Philippe Baret souhaite voir se dessiner un plan à 20 ans allant progressivement vers un système agro-alimentaire vertueux. 

 

Pour lire toute l’interview : Etopia.be – 16 avril 2020- Jonathan Piron, interview de Philippe Baret

https://etopia.be/covid-19-philippe-baret-il-faut-reflechir-a-une-souverainete-alimentaire-qui-evite-lidentitaire-et-le-repli-sur-soi/